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Pour poursuivre la série des recettes printanières, voici un caramel parfumé au cerisier. L’astuce est d’utiliser un thé fleuri (ici notre thé sakuracha) que vous ferez infuser dans votre crème avant de réaliser le caramel. Le deuxième astuce est celui de la merveilleuse pâtissière Ophélie Barès, qui ajoute quelques carrés de chocolat en fin de recette à son caramel, pour lui donner une texture encore plus crémeuse et saveur encore plus ronde.

Caramel
Pour 1 flacon

Temps de préparation : 15 minutes

Matériel
Une casserole
Une petite passoire

Ingrédients :
– 100g sucre
– 180g crème liquide de soja
– 20g chocolat au lait de couverture
– 1 cuillère à soupe du thé de votre choix
– une pincée de fleur de sel

  1. Dans une casserole, mélangez la crème et le thé. Faites chauffer jusqu’à frémissements, coupez le feu et laissez infuser 5min. Puis égouttez.
  2. Dans une petite casserole, versez le sucre et mettre sur feu vif. Lorsque sur les bords le sucre commence à fondre, mélangez pour l’aider à fondre de manière homogène (contre les idées reçues, cela ne va pas faire rater votre caramel, mais lui permettre de ne pas brûler !).
  3. Lorsque le sucre est fondu, mettre sur feu doux et versez la crème tout en mélangeant au fouet. Mélangez quelques minutes pour que tout soit bien fondu. Hors du feu, ajoutez la fleur de sel et le chocolat.

Versez un récipient, il est prêt à enrober vos hanami dango ou tout autre dessert de votre choix. Délicieux printemps à vous !

Voyez aussi ces recettes de ichigo daifuku, ou de mochi cake !

La langue japonaise regorge de mots pour s’émerveiller de la nature. Et il y existe toute une série qui se finit par « mi » décrivant le fait d’admirer quelque chose : il y a yukimi, admirer la neige, tsukimi, admirer la lune, ou encore hanami pour admirer les fleurs. Avec le suffixe o, o-Hanami est une pratique très populaire au Japon qui consiste à admirer les arbres en fleurs tout en grignotant et buvant des choses délicieuses. On s’installe sous les arbres entre amis, et on refait le monde sous une pluie de pétale.

Au Japon, à l’approche du printemps, on observe une floraison de denrées aux couleurs rose, vert et blanc, parmi lesquelles les hanami dango, et qui sont préciséments l’une des douceurs que l’on déguste pendant o-hanami. Ce sont des boulettes de mochi colorées et montées en brochette, que l’on déguste nature ou accompagné d’une sauce caramélisée (recette à suivre 🙂

Hanami dango
Pour 6 brochettes

Temps de préparation : 30 minutes

Matériel
Une casserole
6 pics à brochette

Ingrédients :
– dango rose : 30g farine de riz gluant, 5g sucre, 25g d’eau (environ), 1 pointe de couteau de colorant rouge
– dango vert : 30g farine de riz gluant, 5g sucre, 25g d’eau (environ), 1/2 cuillère à café de matcha
– dango blanc : 30g farine de riz gluant, 5g sucre, 25g d’eau (environ).

  1. Dans trois bols séparés, mélangez les ingrédients et finissez par l’eau en y allant en plusieurs fois : en fonction de l’humidité ambiante, toute l’eau ne sera peut-être pas nécessaire ou inversement en manquera-t-il un peu. L’important, est d’obtenir une pâte à la texture de pâte à modeler, adéquate pour former des boulettes.
  2. Formez 6 boulettes d’environ 11g avec chaque préparation. Avec la pulpe du doigt, appuyer sur chacune des boulettes pour créer un léger creux au centre, ce qui leur permettra d’être bien moelleuses.
  3. Portez de l’eau à petite ébullition dans une casserole. Plongez-y les boulettes par fournées de 6 en commençant par les blanches pour qu’elles ne risquent pas d’être colorées. Laissez cuire 5 minutes puis retirer délicatement à l’aide d’un écumoire.

Versez dans un bol, et laissez refroidir 5min. Montez en brochette en alternant les couleurs, et déguster sans attendre dans la journée !

Découvrez également nos recettes de uguisu mochi, ichigo daifuku, mochi cake, et bien d’autres encore !

Saviez-vous que Hawaï avait sa spécialité de mochi ? On l’appelle butter mochi,  c’est un gâteau à base de lait de coco, de farine de riz gluant, de beurre et d’œuf. Sa texture évoque celle du far breton je trouve, avec quelque chose de plus élastique apporté par le riz gluant. En voici une recette végétale, aux couleurs des primevères qui fleurissent un peu partout en ce moment. Si vous souhaitez une recette de mochi simple et efficace, celle-ci est pour vous. Il suffit de mélanger les ingrédients secs, puis d’ajouter le lait, ainsi que le chocolat blanc et l’huile de coco fondue avant de mettre au four une quarantaine de minutes. Vous pouvez le parfumer de plein de manières, mais ici j’ai opté pour du matcha, et j’ai ajouté un petit effet marbré en colorant une partie de la pâte en rose. Le résultat est incroyablement élastique, et délicieux aussi bien tiède que froid !

Mochi hawaïen
Pour 1 moule carré de 20cm de côté

Temps de préparation : 20 minutes

Matériel
Un four

Ingrédients
240g farine de riz gluant
380ml lait de soja (ou autre de sa préférence)
110g sucre
70g huile de coco
80g chocolat blanc
120g yaourt (soja, brebis ou vache)
10g matcha
1/2 cuil. à soupe d’extrait de vanille
1 cuil. à café de poudre à lever
facultatif : colorant rouge naturel

  1. Préchauffez le four à 150°C. Mélangez les ingrédients secs : farine de riz gluant, sucre et poudre à lever. Si vous ne faites pas le décor marbré, ajoutez également le matcha, sinon ne l’ajoutez pas encore.
  2. Faites fondre au bain-marie le chocolat blanc et l’huile de coco. Ajoutez aux ingrédients secs en mélangeant au fouet, puis ajouter le chocolat et l’huile de coco fondus.
  3. (Facultatif) Faites le décor marbré : prélevez l’équivalent de 2 louches de la préparation et ajoutez un peu de colorant rouge pour la colorer de rose. Prélevez une louche du reste de la préparation, et mélangez dans un bol à part avec le matcha, puis mélangez avec le reste. Versez le gâteau dans un moule préalablement graissé ou garni de papier sulfurisé. Versez la préparation au machat, et ajoutez la préparation rose à la cuilère à soupe à différents endroits. Avec le manche de la cuillère, plongez dans la préparation et tracez des volutes pour faire l’effet marbré.
  4. Enfournez et laissez cuire 45min, en vérifiant la cuisson en sortie de four : plongez la lame d’un couteau, si elle ressort sèche c’est que c’est bon. Sinon, prolongez la cuisson.

Laissez refroidir, et dégustez tiède ou froid. S’il vous en reste le lendemain, remettez au four une 20taine de minutes pour « rafraîchir » la croûte. Itadakimasu !

Découvrez également nos recettes de uguisu mochi, ichigo daifuku, ohagi mochi, et bien d’autres encore !

Pour cet épisode de mars, nous parlons de Sen no Rikyū, celui que l’on considère comme le plus grand maitre du thé de tous les temps, et qui s’est donné la mort à 70 ans sur ordre du seigneur de guerre Hideyoshi, qu’il servait. Allons à sa rencontre le temps de cet épisode : Sen no Rikyu a vécu au XVIe siècle, de 1522 à 1591, il est le contemporain de Oda Nubunaga, le seigneur samouraï dont nous avons parlé dans l’épisode dernier, celui qui a introduit les armes à feu sur le champs de bataille.

Rikyu va d’ailleurs devenir son maître de thé, ainsi que celui de son successeur Hideyoshi. Avec Ieyasu, ils sont surnommés les trois grands unificateurs du Japon, qui à l’issue de combats acharnés, ont uni le pays. Mais plutôt que le bushido, la voie du guerrier, Sen-no-rikyu s’est consacré tout entier à la voie du thé, le sado. Comme le bushido, le sado est une voie d’accomplissement qui dépasse largement la simple préparation d’une boisson. Ce faisant, il a révolutionné l’esthétique japonaise et a développé un mode de vie basé sur la simplicité, l’humilité et la spiritualité. Son approche connue sous le nom de wabi-cha a marqué non seulement la cérémonie du thé, mais aussi l’art, l’architecture et la pensée zen au Japon.

Sen-no-Rikyu par Tōhaku Hasegawa (1539-1610).

Comment Sen-no-Rikyu a-t-il réussi à jouer un rôle si important aux yeux de ses contemporaines et dans l’histoire du Japon, lui qui était juste maitre de thé ? Qu’est ce qui a amené Hideyoshi à ordonner la mort de Riyuku qui était son serviteur et confident ? Et pourquoi la voie du thé est-elle si importante pour comprendre la culture japonaise ? Voici quelques unes des questions auxquelles nous allons tenter ici de répondre.

Références :

  • Le Maître de thé, de Yasushi Inoué.

Vocabulaire :

  • Chanoyu, littéralement « eau chaude pour le thé » est un des noms utilisés pour désigner la cérémonie du thé. On utilise aussi sado.
  • Kaiseki ou cha-kaiseki : repas léger servi avant la cérémonie du thé.
  • Wabi évoque les notions de simplicité, de nature et de mélancolie.
  • Sabi quant à lui évoque l’altération par le temps, la décrépitude des choses vieillissantes, la patine des objets, le goût pour les choses vieillies, pour la salissure. D’ailleurs le caractère sabi (寂?) est gravé sur la tombe de l’écrivain Junichirō Tanizaki, auteur du fameux Eloge de l’ombre, et qui est enterré dans le temple Hōnen-in à Kyoto.

Pour cette interview de mars, Mathilda Motte a le plaisir de recevoir Hugo Chaise, que les amateurs de fermentation connaissent certainement. Car sous le nom de My Fermentation, Hugo fabrique et commercialise de somptueux miso, des kombucha, du tamari et encore bien d’autres ovnis culinaires fermentés. Lorsque notre fondatrice rencontra Hugo Chaise il y a quelques années, elle fut marquée par son enthousiasme : et il y a de quoi, car c’est proprement fascinant de voir comment un produit se transforme et devient tout autre sous l’effet de la fermentation et du temps ! Cet ancien rugbyman a découvert cette magie au Japon où il décide de partir en 2017. Nous allons parler dans cet entretien de son expérience là-bas, mais aussi et évidemment de cuisine et de fermentation. Episode 35, c’est parti !

Le petit questionnaire Tsukimi :

  • Son plat japonais salé préféré : le tonkatsu.
  • La douceur japonaise qu’il aime par-dessus tout : dorayaki haricot rouge et beurre.
  • Son goût ou parfum préféré : l’umeboshi, cette prune fermentée.
  • S’il était un goût ou un parfum japonais : la bonite séchée.
  • Sa saison préférée : l’automne.
  • Sa bonne adresse autour du Japon en France : Okomosu, 11 rue Charlot 75003 Paris.
  • Sa bonne adresse au Japon : une bonne adresse de Dorayaki à Asaksusa au Japon : https://fr.tripadvisor.ch/Restaurant_Review-g14134311-d26209461-Reviews-Dorayaki_Dorayama- Asakusa_Taito_Tokyo_Tokyo_Prefecture_Kanto.html
  • Son mot japonais préféré : Otsukaresama.
  • Son conseil lecture : Les Délices de Tokyo.
  • Son invité : Pascal Barbot.

Références :

  • Son compte Instagram : @my.fermentation
  • Le site de My Fermentation : https://www.my-fermentation.com/
  • Le livre sur le pèlerinage de Shikoku : « Comme une feuille de thé à Shikoku » de Marie Edith
    Laval.
  • Deux brasseries de shoyu que Hugo Chaise vous recommande : Yuasa Soy sauce company à
    Wakayama, et Kanena Miso Soy Sauce company à Miyazaki.

Le samouraï est la figure la plus emblématique du Japon. Elle est si mythique qu’il n’est pas facile de l’exhumer de son passé. On en a fait un être cruel ou bien un saint, un fou idéaliste et un fin politicien, un cul-terreux et un aristrocrate de haute lignée, un serviteur et un puissant.

Quelle est la différence entre un guerrier classique et un samouraï ? Comment le samouraï en est-il venu à dominer la scène politique du Japon médiéval ? Et dans quelle mesure la culture samouraï infuse-t-elle encore la société japonais actuelle ? Voici les questions auxquelles nous allons tenter de répondre dans cet épisode. Nous parlons de Tomoe Gozen, femme samouraï. Et de la légende des 47 rônins, ces samouraïs sans maître qui se sacrifièrent pour laver l’honneur de leur défunt maître.

Mitsugorô II (1750-1829), acteur sous ce nom de 1785 à 1799, interprète le rôle d’un rônin, un samuraï sans maître, par Utagawa Toyokuni (1769-1825)

Références :

Le terme « samouraï » vient du verbe japonais « saburau », qui signifie « servir ». Ce terme est mentionné pour la première fois dans un texte du xe siècle, mais ce n’est qu’à partir du 17e siècle qu’il est utilisé dans le sens où on l’entend aujourd’hui, c’est à dire un guerrier noble pourvu de codes moraux stricts.

Au départ donc, autour des 4e-5e siècle, il y a des guerriers, appelés « bushi », dont la fonction est de défendre le clan. Le clan regroupe des membres rassemblés sous l’autorité d’un chef héréditaire. Ce sont les liens du sang qui dans un premier temps lie tous les membres, puis peu à peu, le clan intègre plus largement ses membres pour former une communauté avec différents corps de métier. A partir du 7e siècle, les seigneurs de ces premiers clans vont devenir des hauts dignitaire et rejoindre la Cour à Nara puis Heian, l’ancien nom donné à Kyoto. Pour gérer les affaires locales, ces seigneurs vont nommer des intendants parmi les chefs de plus petits clans qui sont sous leur autorité. Ces intendants devant faire face à de nombreuses attaques et révoltes notamment face aux impôts, s’entourent de guerriers et s’entraînent eux-même au combat afin de les guider.

De sorte qu’au 8e siècle, on aboutit à deux profils de seigneurs : le haut-dignitaire, un aristocrate épris de poésie aux mille raffinements et dont le modèle est le Genji, héros du récit de Murasaki Shikibu, et d’autre part le chef provincial qui est aussi un combattant. Le pinceau pour l’un, le sabre pour l’autre.

Pendant quelques temps, ces deux seigneurs s’aident mutuellement : le haut-dignitaire apporte sa légitimité et son prestige au chef provincial, tandis que celui-ci défend ses biens. Mais à partir du 11e siècle, un glissement de pouvoir s’effectue entre les deux figures. Et au moment même où les aristocrates de la capitale sont occupés à jeter les bases d’une civilisation originale dans les arts, la vie politique et économique du pays commencent à leur échapper. Car pendant qu’ils consacraient toute leur énergie aux arts, à la poésie, au libertinage et à l’étiquette de la cour, les seigneurs des provinces acquièrent l’expérience pratique des affaires, gèrent avec soin leurs domaines et apprennent à se passer des directives de la capitale.

Ce qui va faire définitvement basculer le Japon dans le système féodal dominé par le samouraï, ce sont les multiples conflits successoriaux qui vont au 13e siècle opposer les deux grands clans de l’époque, chacun soutenus par des hauts-dignitaires en désaccord. Il s’agit du clan de Minamoto établi dans le Kanto, et du clan de Taïra. Je vous passe les détails, mais le conflit finit en guerre civile appelée La guerre de Genpei qui s’étent de 1180 à 1185. Le chef du clan Minamoto l’emporte, et déplace le centre du pouvoir à Kamakura où il se fait appeler d’un nom que vous avez certainement déjà entendu : shogun.

Pendant cette période de conflit, la figure du samouraï se cristallise et s’élève pour devenir un modèle dominant.  C’est à cette période que s’illustrent les samouraïs les plus légendaires, parmi lesquels je ne résiste pas à vous citer une femme samouraï du nom de Tomoe Gozen.

Personne ne sait exactement quand est née et quand est morte cette femme guerrière, et sa vie a été tant de fois reprise dans les légendes populaires qu’il est aujourd’hui impossible de distinguer la vérité de la légende.

Tomoe Gozen était surtout connue pour son habileté au combat, sa bravoure et sa loyauté. Selon les récits historiques et les légendes, elle était-une redoutable cavalière et archère. Il est souvent dit aussi qu’elle était d’une beauté exceptionnelle, mais c’est sa force et son talent martial qui la distinguent dans les chroniques. Tomoe Gozen aurait été au service de Yoshinaka, un général du clan Minamoto, avec qui est aurait eu une liaison. Dans la guerre de Genpei, elle aurait pris part à plusieurs batailles importantes, et aurait tué de prestigieux ennemis en duel, dont un célèbre général du clan Taïra, celui qui sortira perdant du conflit. Certaines versions de l’histoire prétendent même qu’elle aurait tué un samouraï géant en combat singulier, puis l’aurait décapité comme il était de coutume à l’époque lorsqu’on vainquait un ennemi illustre. Ce qu’il advint de Gozen après la guerre n’est pas clair. Certaines versions disent qu’elle serait morte sur le champ de bataille aux côtés de son amant Yoshinaka tandis que d’autres disent qu’elle a été vue fuyant le champ de bataille en emportant une tête, peut-être celle de Yoshinaka, à moins que ce fût celle d’un ennemi. Ensuite elle se serait jetée dans l’océan avec la tête, à moins qu’elle ne soit devenue une religieuse bouddhiste.

Ce qui transparait dans la flamboyante équipée de Tomoe Gozen sont les valeurs de courage, d’une certaine férocité, et de loyauté. Ces valeurs sont au cœur de l’éthique samouraï appelée bushido.

Le bushido qui signifie « la voie du guerrier » est un code destiné à régler selon l’honneur le comportement des guerriers dans les batailles et plus largement pendant toute leur existence. Le terme « Bushido » rassemble en effet les termes « bushi » qui signifie guerrier, et « do » que l’on retrouve aussi dans « sado », la voie du thé, et qui évoque une idée de vocation, de chemin de vie. On comprend ici que le bushido n’est pas seulement un code d’honneur, mais une manière de communier avec le sacré, de se transcender pour toucher l’essence de l’existence. En ce sens, c’est une voie d’ascèse et de dépouillement qui va jusqu’au sacrifice, comme l’illustre la légende des quarante-sept rônins, qui est basée sur des faits réels.

Le récit rapporte l’histoire de Asano, un seigneur qui en 1701, à la suite d’une grave insulte reçue de Kira, un haut fonctionnaire de la cour du shogun, dégaine son sabre et blesse l’homme qui a terni son honneur. L’usage du sabre étant interdit dans l’enceinte du château, les autorités le condamnent à ses suicider en confisque son domaine. Ses anciens vassaux perdent par ricochet leur statu de samouraï et les privilèges qui s’y rattachent, ils deviennent des rônin, c’est-à-dire des samouraïs déclassés ne relevant d’aucun maître. 47 d’entre eux font le vœu de venger leur maître. Mais sachant qu’ils sont surveillés, ils patientent pendant 2 années. Leur chef Ôishi Kuranosuke affiche aux yeux de tous une vie de déchauché destinée à écarter les soupçons qui pèsent sur lui. Finalement, par une nuit de neige le 30 janvier 1703, les 47 ronins se regroupent à Edo, s’introduisent dans la demeure et décapent Kira. Puis il se rendent au temple Sengaku d’Edo, où est enterré Asano, pour lui présenter la tête de son ennemi. Ils se livrent ensuite aux autorités qui, après délibération le 4e jour du 2e mois de l’an 16 (le 20 mars 1703) leur accorde le droit d’expier leur crime honorablement en se faisant seppuku, un mode de suicide dont nous allons reparler.

Simple fait divers, cette histoire connait un fort retentissement auprès de l’opinion publique qui la célébre comme l’ultime expression du bushido. Malgré la censure shogunale, l’histoire fut reprise dans les théâtres de Bunraku, le théâtre de marionnettes, et de Kabuki.

S’il est un acte qu’on a retenu au sujet des samouraï, c’est donc bien celui du seppuku, cet acte qui consiste à se suicider en s’ouvrant le ventre. On le connaît aussi sous le nom de harakiri, mais le terme est plus utilisé dans le langage courant, tandis que seppuku est plus adapté à la langue écrite. Mais savez-vous précisément en quoi se faire seppuku consiste ? Oreilles sensibles, c’est maintenant qu’il faut avancer l’épisode d’une minute30 si vous ne souhaitez pas entendre ces détails ! Traditionnellement, le seppuku était réalisé dans un temple en s’ouvrant l’abdomen à l’aide d’un wakizashi, qui est un sabre court propre au samouraï. La forme traditionnelle consiste en une ouverture transversale (dans la largeur), juste au-dessus du nombril. Il existe une version moins honorable et moins douloureuse dans laquelle un « ami » si l’on peut l’appeler ainsi, coupe la tête pour une mort instantanée. Le seppuku comporte enfin une version encore plus douloureuse, qui demande le plus de courage : il s’agit du jumonji-giri, qui consiste à rajouter une coupe verticale (de haut en bas) à la coupe horizontale. Cependant la forme traditionnelle était rarement appliquée, la plupart des samuraïs qui s’adonnaient au seppuku tenaient dans leur main le wakizashi et, dans la plupart des cas, l’ami tranchait la tête du samuraï avant même qu’il se soit éventré. Certains tenaient même un simple éventail dans leur main en guise de sabre symbolique.

Petite précision qui a son importance dans l’histoire des genres au Japon : le suicide ritualisé seppuku était un rituel masculin. Les femmes nobles et épouses de samouraïs pratiquaient quant à elles le jigai, une forme de suicide consistant à se trancher la gorge (carotide) avec un poignard.

À ce stade, il me paraît important de faire une petite parenthèse sur le suicide et le Japon. On dit souvent, et vous l’avez certainement entendu, que les Japonais sont un peuple suicidaire. Cette idée, qui est notamment dénoncée dans le podcast Préjugés de France Inter, a été véhiculée par des récits tels que celui des 47 ronins et aussi par les aviateurs kamikaze de la 2de Guerre Mondiale. Et certains utilisent même cet argument pour discréditer tout discours parlant du bien-être à la japonaise. Car dans notre culture européenne moderne, se donner la mort est un acte mal perçu, traditionnellement associé au péché. Loin de moi évidemment l’idée de faire l’apologie du suicide, mais il me semble intéressant de considérer cette différence de perception. D’un côté un acte de bravoure, de l’autre un acte indigne.

Or, et quand bien même le suicide ne soit pas aussi mal perçu au Japon que dans nos sociétés d’héritage judéo-chrétien, il faut savoir que cet acte de seppuku a de tout temps été extraordinaire au sens d’in-habituel. Et du reste, d’après les statistiques actuelles, le Japon n’est pas un peuple spécialement suicidaire et se situe en 25e position, après des pays comme les Etats-Unis, la Belgique, ou encore la Finlande.

Cette parenthèse fermée, revenons une dernière fois à nos valeureux samouraïs.

Parce que leur vie est dédiée à cette voie, les samouraïs considérent leurs armes comme des objets sacrés. Le sabre en particulier, est pour le samourai un objet dont la lame symbolise son âme. Retirer d’un geste lent la lame du fourreau, ou rapidement, le faire tinter sur le sol ou vivrer dans l’air était en soi un langage silencieux. Seule la caste des samourai est autorisée à porter le daishô, un ensemble de deux sabres comprenant le sabre long « katana » et le sabre court dont on a parlé plus tot, le wakasashi.

En parallèle à l’art du maniement du sabre, les guerriers conçoivent également une philosophie appropriée à l’utilisation de l’arc « kyudo », la voie de l’arc. Ils s’inspirent des arcs des guerriers mongols qui tentèrent d’envahir le Japon à deux reprises au 13e siècle, en augmentant leurs dimensions. Se servir d’un si grand arc demandait un équilibre de tout le corps et une très grande concentration. Les archers devaient se préparer mentalement et purifier leur esprit afin de ne faire qu’un avec la cible. « Ce que l’archer vise, c’est le centre de lui-même » écrit à ce sujet l’historienne de l’art et spécialiste d’art japonais ancien Nelly Delay dans son livre « Le Japon éternel » aux Editions Gallimard.

Après la bataille de Genpei au 12e siècle qui établit le shogunat et la caste des samouraï au pouvoir, la double invasion des Mongols au 13e siècle finit de les consolider au pouvoir. Ces invasions ont lieu en 1274 et 1281, et sont impulsés par l’empereur Kubilai Khan, petit-fils de Genghis Khan, le même qui employa Marco Polo et qui gouverna sur la Mongolie, la Chine ou encore le Vietnam. Les samouraïs parviennent les deux fois mais de justesse à repousser l’envahisseur. Saviez-vous d’ailleurs qu’avant d’être attribué aux aviateurs de la seconde guerre mondiale, le terme « kamikaze » avait été utilisé pour parler de la manière dont miraculeusement avait été repoussée la 2 invasion ? Lors de celle-ci invasion, les Mongols débarquèrent dans la baie de Hakata près de Fukuoka avec plus de 150 000 hommes et une nette supériorité technique. Mais avant qu’ils ne parviennent à déployer leurs forces, un typhon détruit leur flotte. Les Japonais saluent celui-ci en le baptisant « kamikaze » qui signifie « vent divin ».

Les XIV et XVe siècle, sont d’après les historiens une période de confusion politique et de désintégration du pouvoir central avec une guerre des clans. Cette évolution résulte de l’accroissement du nombre des chevaliers qui rend impossible le maintien des liens personnels de fidélité, liens de fidélité qui faisaient la structure du régime de Kamakura. Au XVIe siècle émerge la figure des daimyo, véritables suzerains locaux qui contrôlent des régions entières. L’art de la guerre se transforme également avec l’introduction des premières armes à feu et qui renverse l’équilibre des forces à l’occasion de la bataille de Sarashino en 1575. Cette bataille oppose le clan Takeda et celui du plus modeste clan Oda, dirigé par Oda Nubonaga. Pour plonger dans cette époque, je vous recommande le documentaire « Le temps des samouraïs » actuellement sur Netflix. Oda Nobunaga, à la tête d’un clan plus modeste, passe un accord avec les Jésuites et avai reçu des amrles à feu en échange de leur conversion. Sur le champ de bataille de Sarashino, il fit pour la première fois usage d’armes à feu derrière des palissades de bois. Le clan Takeda fut décimé et disparut définitivement en 1582. Cette bataille restée célèbre marque le début d’un changement complet dans la société féodale et porte un coup fatal au bushido : l’honneur déserte le champs de bataille au profit de l’efficacité des coups portés.

La guerre des clans prend fin avec le siège du château d’Osaka en 1615 qui consacre la victoire d’un capitaine d’Oda Nobunaga, Ieyasu, chef du clan Tokugawa. Il installe le pouvoir à Edo, ancien nom de Tokyo, qui restera jusqu’à aujourd’hui le centre du pouvoir. En 1636 son successeur ferme les portes du Japon au reste du monde, en interdisant à tout Japonais de se rendre à l’étranger et s’oppose au retour dans l’archipel des sujets nippons résidant sur le continent. Les Portugais sont chassés, et moyennant un contrôle des plus sévères, seuls les marchands chinois et hollandais ont la possibilité de commercer via le port de Nagasaki. S’ensuit 2 siècles de paix civile appelée l’ère Tokugawa, où le pays est sous étroite surveillance, comme pétrifié dans une structure féodéale figée, au détriment de l’ouverture sur le monde et du progrès social et économique. Cet état allait voler en éclat à la réouverture du pays au reste du monde au 19e siècle pendant l’ère Meiji. Mais ceci est une autre histoire…

Que conserve le Japon d’aujourd’hui de l’ère des samouraïs ? Dans son Histoire du Japon, Reischauer écrit en 1946 ces mots « pour le féodal nippon, la loyauté personnelle et les liens sacrés de la famille sont par essence inviolables. Le tempérament national japonais a emprunté à cet idéal chevaleresque deux de ses vertus essentielles : le mépris de la souffrance physique et de la mort et la fidélité indéfectible aux engagements souscrits. » Et à l’heure actuelle, si l’on a heureusement plus l’occasion de mettre à l’épreuve la résistance à la douleur, le sens de l’engagement reste sans aucun doute une valeur très importante au Japon.

Le samouraï laisse aussi derrière lui l’image d’un homme épris d’idéal et au courage inoxydable. Notre épopée sur plus de 7 siècles s’arrête donc ici, je vous donne rendez-vous pour l’interview de février avec ce rébus : mon premier est la troisième note, mon deuxième est un contenant très pratique, tant pour le jardinier que le maçon !

Après l’épisode mensuel, voici l’interview du mois qui fait son retour. Et pour cette rentrée, j’ai la joie d’inviter June Fujiwara, autrice japonaise vivant à Paris. Dans cet entretien, nous allons notamment parler du bien-être à la japonaise, de cuisine évidemment, et de la fascination réciproque qui lie nos deux pays. Episode 33, c’est parti !

Crédit photo : Amélie Marzouk

Le petit questionnaire Tsukimi :

  • Son plat japonais salé préféré : Les soba.
  • La douceur japonaise qu’elle aime par-dessus tout : La yaki-imo, la patate douce japonaise grillée.
  • Son goût ou parfum préféré : Le parfum du hojicha.
  • Si elle était un goût ou un parfum japonais : L’odeur de la glycine, qui se dit « fuji » en japonais, comme mon nom.
  • Sa saison préférée : L’automne sans hésiter, dont elle adore la mélancolie.
  • Sa bonne adresse autour du Japon en France : La Maison Biën à Paris.
  • Sa bonne adresse au Japon : La pâtisserie Hatsuné à Tokyo.
  • Son mot japonais préféré : Itadakimasu, l’équivalent de notre « bon appétit », mais qui veut dire tellement plus : on remercie humblement la nature et la personne qui a cuisiné.
  • Son conseil lecture : La Parfaite Tokyoïte, aux Editions Les Arènes, dans lequel elle partage tout ce qu’elle aime faire à Tokyo.
  • Son invité : Le fou de sushi Jad Ibrahim. Et aussi la fondatrice de Maison Bien, Keiko Suyama.

Références :

« Cette année 2025 est pour moi celle de mes 40 ans, et même si je tente de me convaincre du contraire, ce n’est pas rien. Car dans l’imaginaire collectif, c’est encore un cap de non-retour. Un moment de bascule où l’on passe de l’autre côté de sa vie, du côté de la maturité pour ne pas dire de la vieillesse. Je sais que c’est faux, pour autant j’ai du mal à m’en détacher. Alors plutôt que de scruter mes rides aux coins des yeux, j’aimerais dédier cette année à cueillir ces petites joies qui font scintiller le quotidien. Comme vous le savez, je suis amoureuse du Japon et de sa relation émerveillée avec la nature et ses saisons. Pour cette année, j’ai donc préparé un calendrier avec quelques uns de mes dessins saisonniers, que nous proposons dans la mochi-box de janvier. Afin qu’au delà du côté pratique, cet objet soit le rappel de cette seule et unique résolution pour l’année à venir : capter la beauté et la joie au quotidien. »

Mathilda Motte, fondatrice de La Maison du Mochi

Notre calendrier-chevalet est disponible dans notre mochi-box « 12 mois de douceurs nippones ». Si vous souhaitez le découvrir en images, Mathilda vous le dévoile page après page dans cette vidéo :

Ce calendrier-chevalet étant une exclusivité de notre mochi-box « 12 mois de douceurs nippones » éditée en quantité limitée, nous vous offrons également la possibilité de télécharger une autre version de notre calendrier annuel en pdf à imprimer.

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Voilà, Tsukimi fait enfin sa rentrée, après de 8 mois de pause ! Nous inaugurons par la même occasion un nouveau cycle. Tandis que les interviews mensuelles vont continuer comme d’habitude, les épisodes courts quant à eux évoluent : nous allons cette année plonger dans l’histoire japonaise. Chaque épisode sera ainsi dédié à la découverte d’une tranche de l’histoire japonaise par le biais d’une figure historique dont je ferai le portrait.

Et pour inaugurer cette série, nous allons parler de ma figure historique japonaise préférée : il s’agit d’une dame de cour ayant vécu au Xe siècle, et qui est considérée comme l’une des plus fines plumes du Japon, car elle aurait écrit rien moins que le tout premier roman de l’histoire : nous allons dresser le portrait de la remarquable Murasaki Shikibu, autrice du Dit du Genji.

Lady Murasaki par Harunobu Suzuki, vers 1767.

L’une des premières romancières de l’histoire.

Murasaki est donc considérée comme la pionnière du genre romanesque. Pour vous donner de quoi comparer, dans la littérature occidentale, on considère généralement que le roman moderne naît avec Chrétien de Troyes. Or Chrétien de Troyes a vécu au XIIe siècle, soit un siècle plus tard que Murasaki Shikibu. Et non seulement a-t-elle composé un texte d’un genre totalement nouveau, mais encore son roman appelé « Le Dit du Genji » est un récit extrêmement long et complexe qui décortique les fluctuations du sentiment amoureux, et plus largement de l’expérience humaine, avec la plus grande finesse.

C’est doublement remarquable, d’un point de vue chronologique, car elle paraît incroyablement en avance sur son temps. Mais également considéré que Murasaki Shikibu ait accédé à la reconnaissance de son vivant, alors même qu’elle était une femme au cœur d’une société hautement patriarcale, même si à l’époque de Heian où Murasaki Shikibu a vécu, les femmes étaient plus libres qu’au XIXe siècle par exemple. Mais avant de nous plonger dans l’œuvre de Murasaki Shikibu, je vous propose d’évoquer le contexte.

Une figure de la période de Heian, 794-1185.

Murasaki Shikibu a vécu entre l’an 973 et l’an 1025 environ à l’époque de Heian, considérée comme l’âge d’or de la cour impériale. Celle-ci doit son nom au fait qu’elle soit basée à Kyoto, anciennement appelée Heian-kyo qui signifie « capitale de la paix ». L’époque de Heian fait suite à l’époque de Nara et commence en 794 après le déplacement de la capitale par l’empereur Kanmu, qui cherchait à fuir l’influence des monastères de Nara.

Cette période se caractérise par la domination du Clan des Fujiwara : le pouvoir n’est qu’en surface aux mains de la famille impériale mais ce sont eux qui en réalité le détiennent. Les Fujiwara sont des aristocrates haut-fonctionnaires d’Etat, qui dominent le jeu politique par le biais de choix stratégiques. Notamment une politique matrimoniale redoutablement efficace qui oblige les membres mâles de la famille impériale à se marier à leur filles. Ce qui fait que beaucoup d’empereurs de cette période ont pour mères des femmes Fujiwara.

L’ère de Heian est aussi considéré comme une période d’excellence dans la culture et dans l’art japonais. Elle correspond au moment ou l’identité japonaise se cristallise et trouve son propre langage. Après la phase d’imitation de la culture chinoise au cours des époques précédentes, l’élite japonaise adopte une attitude plus critique et montre la volonté d’affirmer « l’esprit du Japon ». En peinture, en calligraphie, en poésie, un style japonais s’esquisse. Avec, par exemple des thématiques récurrentes comme l’évocation de la nature et de ses 1001 métamorphoses saisonnières, pour illustrer l’impermanence de ce monde. Cette thématique est centrale le Dit du Genji.

Cette sophistication touche également les critères de beauté qui deviennent très codifiés. Les hommes et les femmes aristocrates poudrent leur visage et noircissent leurs dents. L’idéal masculin de la cour comprend une légère moustache et une fine barbiche. Mais comme souvent, ce sont les femmes qui sont le clou du spectacle. Elles se peignent une bouche petite et rouge, et s’épilent totalement les pour les redessinner plus haut sur le front. Elles arborent une longue chevelure noire, lisse et brillante qui tombe en cascade sur leurs épaules. Niveau tenue, elles revêtent une robe dite «  à douze couches » complexe, bien que le nombre réel de couches varie. Ces robes changent en fonction des saisons, suivant un système de combinaisons de couleurs représentant des fleurs, des plantes et des animaux spécifiques à une courte période calendaire.

C’est au cœur de cette cour des Fujiwara, et très certainement sous cet apparence extrêmement léchée, que notre écrivaine Murasaki Shikibu a évolué. Murasaki Shikibu est un nom de plume, et son patronyme véritable serait d’après les historiens Fujiwara no Kaoriko  (藤原香子), ce qui la rattache directement au clan dominant. Elle serait née à Kyoto en 973. Son père est un dignitaire de la cour et un poète, issu d’une branches moins prestigieuses de ce clan, ce qui l’inscrit dans des rangs intermédiaires de l’aristocratie, au même niveau que les gourverneurs provinciaux. A cette époque, les femmes ne bénéficient pas de l’enseignement du chinois, qui est la langue de la cour et du savoir ; toutefois ce n’est pas le cas de Murasaki dont le père artiste et érudit a probablement particulièrement soigné l’éductation. Elle se révèle très douée et se contruit peu à peu une réputation de femme d’esprit. Elle se marie avec un autre dignitaire du clan Fujiwara et donne naissance à une fille Daini no Sanmi, qui sera elle-même une poétesse connue. Elle devient veuve à peine 2 années après s’être mariée, puis elle devient dame d’honneur de l’impératrice Shôshi, l’une des deux impératrices-consort. Elle atteint ce poste probablement grâce à son talent d’écrivain. Car c’est pendant ces années de mariage, ou directement après, qu’elle écrit le Dit du Genji.

Murasaki Shikibu représentée ici dans un nishiki-e datant d’environ 1765 par Komatsuken.

Le Dit du Genji

Le Dit du Genji aurait été écrit en kana, « aurait » car le manuscrit original a disparu. Le kana est un langage et une écriture plutôt destiné à un public de femmes ou du moins de la sphère privée. Il autorise par la même occasion une certaine liberté concernant les thématiques abordées et le ton.

L’intrigue se déroule pendant l’époque de Heian, la même que son autrice. Le Genji est l’un des fils de l’empereur qui ne peut pas accéder au trône et que l’on suit dans les 54 chapitres, soit 1300 pages de l’oeuvre. Il est une sorte de Casanova pourvu d’une beauté extraordinaire, à la fois poète accompli et charmeur de femmes. On suit ses tribulations au sein de la cour, son amour impossible avec sa belle-mère Lady Fujitsubo, sa relation conflictuelle avec sa femme et ses multiples aventures amoureuses. C’est une œuvre extrêmement dense, avec  de 200 personnages qui sont pour la plupart désignés par leurs titres à la cour impériale, ou par des surnoms parfois poétiques, parfois plus cocaces comme Brume-du-soir, belle du matin, La Fleur dont se cueille la pointe, ou barque-au-gré-des-flots.

Si on prend en compte la date de l’œuvre, les sujets abordés sont très en avance sur leur temps : on se croirait à bien des égards dans La Princesse de Clèves version japonaise médiévale. Il y a la femme bafouée, le mari jaloux, les courtisanes jalouses de la favorite, le séducteur impénitent, la fascination du pouvoir, les différentes classes sociales, le pouvoir de l’argent.

Car au-delà de l’intrigue, ce qui distingue le récit de Murasaki Shikibu ce sont ses nombreux monologues intérieurs. Ainsi, Le Dit du Genji serait non seulement le premier roman de l’histoire, mais encore serait-il le premier d’un genre qui ne verra chez nous le jour qu’au XVIIe siècle : le roman psychologique. Le roman psychologique se définit comme une œuvre de fiction en prose qui met l’accent sur la caractérisation intérieure de ses personnages, ses motivations, circonstances et actions internes qui naissent ou se développent à partir des actions externes.

Après le Dit du Genji de Murasaki Shikibu, il faudra attendre Cervantes et son Don Quichotte en 1605, soit 5 siècles plus tard.

La postérité

Quelle a été la postérité de l’œuvre de Murasaki Shikibu ? Heureusement, Murasaki Shikibu ne fait pas partie du cercle des poètes maudits. Outre le Dit du Genji, Murasaki a écrit un journal qui compile des anecdotes sur la vie à la cour de Heian.

Et dès sont vivant, l’autrice aurait connu un franc succès. D’ailleurs, Son poste de dame d’honneur lui aurait même été accordé afin de lui permettre d’écrire. Ensuite, le Dit du Genji devient un des thèmes de prédilection des peintres qui représentent les passages les plus fameux de l’œuvre. Puis au XIXe siècle, allant de paire avec la volonté de modernisation du Japon, l’œuvre tombe un peu dans l’oubli, avant de revenir sur la scène grâce à sa reparution en 1913 en japonais moderne. Il sera même par la suite adapté en manga. Aujourd’hui, Murasaki Shikibu est une personnalité très reconnue au Japon, et figure même sur les billets de 2000 yens.

Pour lire un extrait du Dit du Genji, rdv ici : extrait du Dit du Genji aux Editions Verdier. Petite précision sur cette lecture avant de terminer notre épisode : on parle dans l’extrait de Yô Kihi, ancienne favorite de l’empereur de Chine qui aurait vécu au 8e siècle. L’empereur en était tellement épris, qu’il accorda à l’entourage de sa bien aimée des postes de pouvoir, dont son cousin qui fomenta une rebellion. L’histoire d’amour se finit en tragédie digne de Roméo et Juliette, lorsque l’empereur, après avoir été contraint par l’armée à ordonner l’exécution de sa bien aimée, part retrouver son esprit avec l’aide d’un sorcier taoïste.

Bonne écoute !

Bonjour à vous cher auditeurs. Cet épisode est un peu spécial car c’est le dernier avant une pause de 6 mois, le temps d’un congé maternité. Pour l’occasion, et en cette saison de pleine floraison, nous avons la joie d’inviter Sophie Le Berre, spécialiste de botanique et plus spécifiquement de fleurs japonaises.

Après des études de Japonais, et plusieurs années passées au Japon en tant que chargée des relations internationales pour la ville de Takamatsu, Sophie Le Berre s’est prise de passion pour les plantes japonaises, et plus particulièrement les fleurs de la période d’Edo, lorsque que les seigneurs utilisaient les jardins comme outils d’apparat. Aujourd’hui, Sophie prépare sur ce thème un doctorat à l’Université de Paris et organise des voyages au Japon au fil des floraisons et des saisons.

Estampe de UTAGAWA Hiroshige datant de 1858, dans la série des Trente-six vues du mont Fuji, qui nous montre la berge de la rivière Sumida à Edo, dans le quartier de Mukōjima. Fonds du Museum of Fine Arts de Boston.

Dans cet épisode d’avril, nous allons donc évidemment parler sakura, le fameux cerisier japonais, et la raison pour laquelle les Japonais en sont si fous. Nous allons parler aussi d’ikebana, et de cérémonie du thé, qui ont tous deux beaucoup contribué au déploiement du goût japonais pour les fleurs. Enfin, Sophie vous parlera de ces fameux jardins de la période d’Edo et vous donnera des conseils d’itinéraires de voyage au Japon en fonction des saisons, ainsi que des sites à visiter en France.

Sophie Le Berre en 2009, habillée en pèlerin des 88 temples bouddhiques de l’île de Shikoku.

Le petit questionnaire Tsukimi :

  • Son plat japonais salé préféré : Les nouilles froides de sarrasin (soba) en été et le pot au feu oden (avec des oeufs, des légumes, des « gâteaux » de poissons divers) en hiver.
  • Sa douceur japonaise favorite : Le sakura-mochi, évidemment !
  • Son goût ou parfum préféré : Le dashi, qui est vraiment la base de la cuisine japonaise. Pour le parfum, celle des azalées satsuki au mois de mai, et aussi des fleurs d’osmanthes au mois d’octobre.
  • Si elle était un goût ou un parfum japonais : le yuzu, qui me renvoie à un merveilleux souvenir avec ma professeure d’ikebana.
  • Sa saison préférée. L’automne.
  • Une bonne adresse autour du Japon en France. Le musée Guimet et son pavillon de thé à Paris, le restaurant Nobuki à Tours.
  • Une bonne adresse au Japon : il y en a tellement ! Fiez-vous à vos sensations et n’hésitez pas à toquer aux portes qui sentent bon.
  • Son mot japonais préféré : Hana, fleur en japonais.
  • Son conseil lecture : Chronique japonaise, de Nicolas Bouvier. Et Histoire du Japon et des Japonais par Edwin O. Reischauer.
  • Son invité : Esther Miquel, « pionnière de l’ekiben », le bentō vendu traditionnellement dans les gares japonaises; son entreprise s’appelle Koedo.
Estampe de UTAGAWA Kunisada (également appelé UTAGAWA Toyokuni III, 1786-1865) dont le thème est « la pleine floraison des iris » ; l’estampe date de 1858 et nous permet de comprendre qu’à cette époque, les Japonais admiraient déjà les floraisons à la nuit tombée, lanterne à la main. Cette estampe fait partie du fonds de la Bibliothèque de la Diète au Japon.

Références :

  • Site internet de Sophie Le Berre : https://www.sophieleberre.fr/
  • JET (Japan Exchange and Teaching Programme) : https://www.fr.emb-japan.go.jp/itpr_fr/JET.html
  • Ikebana « l’art des fleurs vivantes »
  • Sur les trois principales écoles d’ikabana au Japon : https://www.slowkyoto.com/3-ecoles-3-visions-de-likebana/
  • Botanique = sauvage, naturel. Horticole = créé par l’homme.
  • Shogun Tokugawa : famille qui a pris le pouvoir au XVIIe siècle et choisit comme capitale Edo, ancien nom de Tokyo.
  • Tsubo-niwa : jardin d’intérieur des machiya, les maisons de ville traditionnelles à Kyoto.
  • Le chabana (茶花) est le style d’arrangement floral qui a été spécialement créé pour la cérémonie du thé au Japon.
  • Les jardins japonais en France : le parc oriental de Maulévrier. Et le parc Musée Albert Kahn, qui contient notamment un jardin japonais.
  • Ipomée = visage du matin en japonais, asagao (asa = matin, kao qui devient gao car mot devant = visage); l’ipomée fait partie de la famille (botanique) des Convolvulacées, comme le liseron de nos jardins.
  • Les jardins qui entouraient autrefois des résidences seigneuriales : le Hama-rikyū (https://fr.wikipedia.org/wiki/Jardin_Hama-riky%C5%AB) et le Kyū-shiba-rikyū (https://fr.wikipedia.org/wiki/Jardin_de_Ky%C5%AB_Shiba_Riky%C5%AB)
  • La variété de cerisier étalon : Prunus x yedoensis ’Somei-yoshino’ (on écrit le nom de genre, Prunus, et le nom d’espèce, yedoensis, en italique; les guillemets simples indiquent le nom de la variété horticole, créée par l’homme).
  • Le pépiniériste belge est Benoît Choteau, c’est désormais son fils qui a pris la relève, Pépinières Choteau, site Internet : https://www.pepinieres-choteau.com/
  • L’abricotier du Japon qui donne les ume-boshi porte le nom botanique, scientifique de Prunus mume, son nom courant japonais est « ume » (à prononcer oumé) => Le Prunus x yedoensis ’Somei-yoshino’ et le Prunus mume font tous deux partie de la même famille botanique, les Rosacées.
Voici à quoi ressemblait le jardin Yokuon-en du seigneur féodal MATSUDAIRA Sadanobu avec toutes ses collections de fleurs diverses et variées. Le rouleau de peinture date de 1881 et fait partie du fonds de la Bibliothèque de la Diète du Japon.
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